HOMÉLIE

Chers frères et sœurs bien-aimés de Jésus Christ,

« Mizu, mizu, mizu ». C’est du japonais qui veut dire, le savez-vous ? « De l’eau, de l’eau, de l’eau ». « Mizu » C’est ce que criaient les japonais de Nagasaki, notamment de très nombreux chrétiens japonais, brûlés et irradiés, après l’explosion de la bombe A le matin du 9 août 1945. C’est le témoignage que donne Takashi Nagaï, surnommé le « Gandhi japonais » dont je vous invite vivement à lire la biographie « Requiem pour Nagasaki » ! Son témoignage est bouleversant ! Je viens de le relire et j’aimerai vous en parler…

Et pourquoi je vous en parle ce matin ? Parce que, en lien avec les textes de la Parole de Dieu de ce dimanche, nous sommes invités à nous laisser bousculer, nous laisser convertir, nous laisser changer, nous laisser transfigurer. Et Takashi Nagaï, tout comme St Jean-Paul II que nous fêtons aujourd’hui 22 octobre, nous bousculent au nom du Christ ! Voyons cela en parlant d’épreuve, de l’affronter, et de la sublimer…

1/ L’épreuve

Vous l’aurez remarqué, souvent dans les Evangiles, Jésus est mis à l’épreuve. Les pharisiens lui tendent un piège comme aujourd’hui. On le voit bien aussi dans la série « The Chosen » (les élus, ceux que Dieu a choisis) que je vous invite très très vivement à regarder (saison 1 et 2 déjà) car on voit très bien comment Jésus s’en remet au Père et comment il affronte tout évènement et toute épreuve dans la confiance et l’abandon. Dieu peut se servir de tout pour un bien plus grand… Il le croit. Il le fait. Il le vit.

Et on le voit bien dans la première lecture du livre d’Isaïe. Contre toute attente, c’est à un roi païen, d’un peuple ennemi, qui est même appelé « messie », Cyrus, à qui Dieu s’adresse pour parler à son peuple et le libérer. Dieu prend des chemins détournés, étonnants, dérangeants…

Et c’est très clair dans le témoignage de Takashi Nagaï et de Karol Wojtyla, et dans beaucoup d’autres vies, et aussi dans nos vies à nous tous… Ils font l’expérience d’épreuves inimaginables et terrifiantes ! Karol Wojtyla/Jean-Paul II voit mourir sa mère quand il avait 9 ans et son unique grand frère quand il a 12 ans. Il reste seul avec son père qui meurt quand il a 21 ans. Donc à 21 ans, il se retrouve sans famille. Et c’est l’invasion nazie. Quelques-uns de ses meilleurs amis sont assassinés. Il travaille dans une carrière de pierres comme un forçat et se cache pour se préparer à devenir prêtre. Puis il doit affronter la persécution communiste : menaces, mensonges, surveillance, délation, etc. Perdre sa famille et ses amis, et faire face aux deux pires totalitarismes destructeurs ! Sans parler de l’attentat et de sa maladie, et des attaques au cœur même de l’Eglise…

Et Takashi Nagaï qui de Shinto est devenu chrétien, continuant son travail de chercheur en radiologie, voit mourir son épouse et tous ses amis par la Bombe A et les radiations, puis doit vivre ses six dernières années alité, malade, au milieu d’une ville qui n’est plus que mort et ruine totale, avec ses deux petits enfants à ses côtés…

Combien d’autres exemples aurions nous à partager de personnes terriblement éprouvées, devant porter des croix lourdes et multiples ? De nombreux exemples et parfois nous-mêmes, dans nos propres vies… oui, l’épreuve, et il faut commencer par l’affronter…

2/ L’affronter

C’est là le vrai enjeu, chers amis : affronter l’épreuve ! Même si on est fragile et faible, blessé et pauvre, abattu et épuisé, il faut l’affronter ! Le Seigneur fera le reste et la sublimera, mais nous déjà, en attendant, il faut l’affronter, lui faire face, l’accepter, la regarder et ne pas se détourner, ni fuir, ni refuser… Et ce n’est ni facile ni simple…

Vous voyez, moi, par exemple, je commence à accepter, au bout de 8 jours la défaite du XV de France contre l’Afrique du Sud. C’est encore très très dur !! J’en fais des cauchemars, quand je me réveille j’y pense, quand je me couche aussi, ça pollue ma prière, mais je pense que je suis sur la bonne voie… !!!! ça va aller, ça va aller… Une bonne épreuve qui m’apprend le détachement… (décalé)

Plus sérieusement, nous sommes invités à affronter l’épreuve et donc d’abord à la regarder en face, sans fuir ou relativiser le tragique de l’existence et le mystère du mal !

Et la foi chrétienne est la plus grande force qui soit pour cela ! Puisque notre Dieu s’est fait homme pour partager le tragique de nos vies jusqu’à souffrir et mourir ignoblement sur la croix, il sait mieux que quiconque ce que sont la souffrance, la solitude, l’abandon et la mort !

« Que celui qui veut me suivre prenne sa croix et me suive » nous invite Jésus ! Quel appel ! Quel courage ! Quelle leçon ! Pas de faux-semblant ! Pas de fuite de la vérité du réel dans quelque drogue ou mensonge ! Affronter le tragique et le mystère du mal ! Et l’affronter avec le Christ qui va nous donner de sublimer l’épreuve !

3/ La sublimer

Je voulais vous parler de St Jean-Paul II et de Takashi Nagaï car ils sont des exemples extraordinaires de sublimation de l’épreuve et de la souffrance grâce à leur foi et leur abandon confiant en Dieu ! C’est incroyablement édifiant !

D’ailleurs, dans la liturgie, après le Notre Père, le prêtre prie et dit : « à l’abri de toute épreuve ». Ce n’est pas que Dieu nous évite des épreuves ou des croix ! Mais il fait de son Cœur un refuge pour nous y abriter et nous aider à affronter toutes les épreuves, en les dépassant, en les sublimant ! Et attention : ce n’est pas nous qui sublimons l’épreuve mais bien le Seigneur, par sa grâce, qui en nous, sublime toute épreuve si nous nous abandonnons dans la confiance à son amour…

Takashi Nagaï était confronté au mal absolu et à la puissance démoniaque du désespoir. Dans sa prière au Christ, il a accueilli la grâce de relire cette terrible expérience comme l’occasion donnée par Dieu pour faire advenir la paix. La bombe A est tombée sur la cathédrale et le quartier chrétien historique de Nagasaki et il y a vu comme la figure de l’Agneau de Dieu sacrifié et offert par amour pour que la Vie nouvelle puisse surgir. La croix en vue de la résurrection ! Son témoignage a aidé et soutenu de nombreux japonais jusqu’à l’empereur lui-même pour dépasser leur tristesse et leur découragement afin que leur épreuve soit sublimée…

Et Jean-Paul II s’est réfugiée dans le Cœur Immaculé de Marie pour s’abandonner à la Miséricorde Divine afin de laisser faire la grâce de Dieu dans sa vie ; Et quelle merveille le Seigneur a produit pour l’Eglise et le monde dans le témoignage de cette vie donnée comme le Christ !

Soit nous subissons la souffrance et l’épreuve, et elles nous écrasent et nous détruisent…

Soit nous l’accueillons et l’affrontons dans la foi et la confiance, et le Seigneur peut alors s’en servir pour ouvrir le chemin de la vie et de la résurrection…

Et pour cela, il faut aussi que les choses soient bien claires et rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César, et ne pas faire de César un Dieu, et ne pas réduire Dieu à un César !

Et qu’est-ce qu’il nous faut rendre à Dieu en vérité ? Nous devons rendre grâce à Dieu, comme nous y invite encore St Paul dans la seconde lecture : « À tout moment, nous rendons grâce à Dieu ».

Rendre grâce à Dieu sans cesse car tout est grâce et Dieu peut servir de nos épreuves, de nos souffrances, de nos croix pour un bien plus grand si nous lui faisons confiance. Le chemin de la résurrection passe par la croix et le don de soi par amour…

Oui, chers frères et sœurs, laissons Dieu sublimer nos souffrances ! Laissons le Seigneur transfigurer nos vies et nos croix pour qu’Il fasse des merveilles. Tout à la plus grande gloire de Dieu ! Ad Majorem Dei gloriam !

Qu’en cette eucharistie qui est action de grâce, nous rendions à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire toute notre vie, nos louanges et nos actions de grâce, pour que nous soyons entre ses mains un instrument de sa paix et de son amour.

Demandons à l’humble servante du Seigneur, la Vierge Marie, de nous aider à cet abandon confiant entre les mains de Dieu pour faire en chaque chose sa volonté.