Découvrez l’homélie du jeudi saint 28 mars 2024 par l’abbé Alexandre Marie ROBINEAU

Chers frères et sœurs bien-aimés de Jésus Christ,

Mardi dernier, à la messe chrismale à Aizenay, notre évêque Mgr Jacolin a notamment prêché sur le diaconat permanent pour les 60 ans de son rétablissement par le Concile, en rappelant que l’évêque et le prêtre sont d’abord diacres, et qu’avec les diacres ils sont tous configurés au Christ Serviteur ; les diacres étant notamment au service de la liturgie, de la Parole et de la charité. Et justement, peut-être que le moment où le service et l’abaissement du Christ sont le plus évident c’est au moment du lavement des pieds. Geste que nous allons revivre dans quelques minutes. Ce n’est certes pas sacramentel mais cela reste un geste d’une grande force symbolique et on dit que c’est un acte paraliturgique, qui nous permet d’entrer davantage dans le mystère de l’Amour de Dieu qui se donne. C’est toute la question de l’incarnation de notre foi et de notre charité…

Le temps n’est pas si lointain où l’adoration eucharistique était supprimée, où on moquait les processions, le chapelet, les dévotions et même la prière, et encore plus la liturgie : tout cela était accusé d’irrationnalité, de superstition, de folklore, voire même de magie… Cela à cause d’une certaine vision de la modernité où tout était vu sur le mode du pratique, du scientifique, de l’historico-critique… et justement j’aimerai ce soir vous parler de la puissance du geste, de la puissance de la foi, de la puissance du sacrement, tout cela étant une puissance d’amour qui vient du cœur de Dieu…

 

1/ Puissance du geste

Certains gestes portent en eux une puissance symbolique très forte qui renvoi a quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes, et qui sont plus éloquents que tous les discours ou toutes les paroles… Pour dire et signifier son amour pour tous ses apôtres, à Judas comme à Pierre et à tous les autres, le Christ s’agenouille comme un esclave pour leur laver les pieds. Geste prophétique, geste symbolique qui lui permet d’exprimer son amour infini pour les préparer à comprendre sa passion et la croix… Le Père Maurice Zundel dit : « Ce geste d’agenouillement de Dieu devant l’homme est la seule façon pour lui de nous révéler le vrai visage de Dieu ». Geste que le pasteur réitère chaque année le jeudi saint pour signifier qu’en étant Pasteur, il donne sa vie pour ses brebis comme le Christ. Les Papes, depuis un certain temps, vont dans une prison le Jeudi saint, pour laver les pieds de criminels et de délinquants pour signifier par ce geste l’immense amour de Dieu pour eux. Et beaucoup sont touchés et se convertissent… Faire ce geste a un sens puissant qui ouvre les cœurs et qui parle plus et mieux que tous les discours…

Et permettez-moi de vous donner un petit témoignage personnel à ce sujet (que je crois n’avoir encore jamais partagé…) : quand j’étais en Inde pendant 2 ans pour aider, accompagner et prendre soin des enfants des rues, il a bien fallu un moment que je parte pour revenir en France. Et avant de repartir, je voulais dire à ces 50 enfants avec qui j’avais partagé mon quotidien pendant 2 ans, eux qui n’avaient plus de famille et qui avaient été abandonnés, combien je les aimais, combien Dieu les aimait, et combien il m’avait donné beaucoup d’amour et beaucoup de joie… Et pour le leur dire j’ai décidé de leur laver les pieds un par un pour faire comme Jésus. La grande majorité était hindoue ou musulmane. Il y avait quelques enfants chrétiens. Mais tous connaissaient et aimaient Jésus. Le geste parlait plus que bien des mots, surtout que je ne maîtrisais pas bien leur langue… Mais ce n’est pas tout ! C’est que 5 ou 6 d’entre eux, à la fin, m’ont demandé s’ils pouvaient, à leur tour, me laver les pieds… 1ère réaction : de l’orgueil ! Ah non c’est moi qui le fais et qui représente Jésus pour vous aimer… on a tous un peu de St Pierre en chacun de nous, non ?! Puis cet appel du Seigneur à l’humilité pour accepter de recevoir de plus petit que soi car c’est Jésus lui-même qui est là, et ce fût un moment bouleversant que je pensais maîtriser mais qui au final m’a dépassé et touché profondément…

Oui, chers amis, la puissance du geste qui parle plus que des discours ! Et qui nécessite la foi pouvant renverser des montagnes…

 

2/ Puissance de la foi

Si Jésus est si puissant c’est que son amour est cohérent car il est lui-même Dieu ! Il n’a pas fait que de beaux discours comme le Sermon sur la Montagne, sinon il aurait été classé dans les maîtres spirituels tel Bouddha ou Confucius. Mais il a aussi et surtout réalisé et accompli ce qu’il disait et annonçait dans sa propre chair, dans sa vie, dans sa passion, sa mort et sa résurrection ! Il a fait ce qu’il a dit ! Etant pleinement homme et pleinement Dieu, sa Parole est performative : quand il dit, cela est, cela se réalise, cela s’accomplit ! « Que la lumière soit, et la lumière fut… » ; « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » et le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang de Jésus parce que sa puissance d’amour est à l’œuvre et qu’elle peut tout transformer.

Et vous voyez bien, chers amis, que Dieu toujours nous dépasse. On peut comprendre beaucoup de choses du mystère de l’eucharistie, du mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus, mais quoiqu’on en comprenne, cela nous dépasse et nous dépassera toujours infiniment ! Les mots, les concepts, les idées sont essentiels pour verbaliser, cerner et discerner, pour comprendre et avancer dans le mystère, mais ils ont leur limite humaine, et c’est bien normal. C’est pourquoi la foi, notre foi doit aussi passer par le corps, par des gestes, par une attitude personnelle et communautaire, par une liturgie où la foi va se voir, où la foi va se percevoir, va s’incarner pour être encore plus évidente. Comme pour le lavement des pieds. Bien sûr, nous ne sommes pas Dieu ni Jésus. Nous avons toujours nos incohérences, nos péchés, nos limites et nos faiblesses. Bien sûr nous ne savons pas prier comme il faut. Bien sûr nous ne savons pas aimer comme il faut, ni donner notre vie, ni aider assez les plus pauvres comme il faut. Mais nous ne sommes pas Dieu. Et le Seigneur nous demande d’avoir la foi pour essayer de faire de notre mieux, de tendre vers une plus grande conversion, vers une plus grande cohérence de vie. C’est un travail. C’est un chemin. C’est un combat.

Et donc, sans être hypocrite, il nous faut vraiment habiter nos gestes et nos attitudes de prière et de charité, et les vivre avec foi, en croyant vraiment que la puissance de Dieu peut y agir en vérité. Et cela a bien évidemment aussi une dimension pédagogique évidente et importante. L’éducation et la transmission passent par des gestes et l’imitation. Jésus insiste : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». Si des enfants voient tout le temps des bandits ou de la violence sur les écrans, ils vont devenir eux-mêmes violents ! Si des enfants voient des vies de saints et la vie de Jésus, ils vont chercher à l’imiter et à devenir eux-mêmes des saints ! Si des enfants voient leurs parents, leurs amis ou leurs prêtres prier avec foi, cela va faire grandir leur foi. S’ils voient leurs proches s’agenouiller pour laver les pieds de plus pauvres, ils vont eux-mêmes essayer de vivre cette charité modèle et exemplaire. Les exemples, les gestes, aussi accompagnés de paroles, parlent par eux-mêmes. Se mettre à genoux à la consécration ou à l’adoration est plus puissant que tous les discours sur la transsubstantiation et la foi en la Présence réelle ! Accueillir un pauvre à la maison ou lui donner du pain ou un sourire est plus puissant que tous les discours sur la charité ! Aimer en acte et en vérité ! Adorer en esprit et en vérité ! Ne jamais opposer la foi et la charité qui vont toujours de pair et se nourrissent mutuellement. L’un ne va pas sans l’autre. Les miettes d’hosties sur la patène, la gouttelette de sang du Christ dans le calice sont aussi importantes que le plus petit et le plus fragile de mes frères, souvent invisible ou ignoré : Dieu est présent ! Regardons avec les yeux de la foi et de l’amour, et contemplons la puissance de Dieu à l’œuvre. Et notamment dans le sacrement.

 

3/ La puissance du sacrement

« Quand même, mon Père, Jésus il est pas réellement présent dans l’hostie. C’est pas possible ! ». Et bien si ! La toute-puissance d’amour de Dieu peut tout transformer et elle agit particulièrement dans chaque sacrement où l’Esprit Saint œuvre, transforme et transfigure. Le Christ lui-même célèbre et sauve ! D’où l’importance de la liturgie, de la prière commune, du sacré, du silence pour que la foi grandisse et qu’on puisse voir Dieu à l’œuvre.  Il faut bien sûr éviter tout excès de ritualisme en étant trop rigide ou fixiste ! La liturgie n’est pas un but en soi mais elle est un moyen précieux pour laisser Dieu agir et faire grandir notre foi. Nous devons tout faire, et faire de notre mieux pour laisser Dieu agir. Ce n’est pas nous qui nous approchons mais c’est Dieu lui-même qui s’approche de nous, qui vient vers nous, qui vient lui-même s’abaisser pour laver nos pieds et nous donner sa vie. Et l’eucharistie est bien plus qu’un symbole ou un geste, c’est un sacrement : celui de la Présence réelle du Christ par excellence ! Tout le mystère pascal y est présent. Signe de l’unité et lien de la charité. Il nous faut prendre le temps et les moyens pour contempler ce mystère et y entrer plus à fond, comme prendre une heure cette nuit pour adorer Jésus. « Veillez et priez » ; « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ? ». Veillons une heure cette nuit pour être avec Jésus et pour, avec Lui, vivre ce passage, cette Pâque, faire ce pas de la mort à la vie afin d’être pleinement vivant de l’amour de Dieu dès maintenant. Demandons à la Vierge Marie de nous y aider par sa prière maternelle et fidèle. JVSM. Amen.

Abbé Alexandre-Marie ROBINEAU +

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